Wittgenstein et les codes linguistiques

1 avril 2022
Lecture

Le coaching est une discipline transversale des sciences humaines. Chaque coach peut nourrir sa pratique par divers apports suivant sa sensibilité.

La philosophie ( et plus généralement la littérature ) m’intéresse particulièrement. Non pas seulement pour les réponses qu’elle peut apporter mais avant tout pour les questions qu’elle pose et qui amène à réfléchir.

Un livre parmi bien d’autres pour ce premier article consacré donc aux écrits de toutes sortes : le Tractatus de Wittgenstein.

Autant le dire tout de suite, c’est un ouvrage plutôt hermétique et difficile !

Le fond et la forme sont assez particuliers. Mais si on s’y attarde un peu on y découvre tout ce qui fait que ce livre est un document majeur dans l’étude du langage.

L’auteur lui même était un penseur hors norme du XXème siècle. Alors que l’on parle aujourd’hui de plus en plus des profils multi potentiels Wittgenstein fut ingénieur, jardinier, instituteur, architecte et même brancardier …

Était il HPI ? Nous ne le saurons jamais mais déjà à 10 ans il fabrique une machine à coudre tout seul.
Jeune adulte il s’isole en Norvège, construit une cabane et vit presque en totale autonomie.

Sa biographie est pour le moins singulière et ne manque pas d’intérêts !

Son œuvre majeur trace les limites à l’expression des pensées.
Le langage « nous parle plus que nous ne le parlons » ( Wittgenstein ). Les codes linguistiques viennent de fait structurer nos cadres mentaux de manière inconsciente.

Il serait bien long et hasardeux de définir ici toute la richesse de la pensée de Wittgenstein. Depuis plus de 100 ans de nombreuses études lui sont dédiées.

Mais quoi de mieux pour commencer à s’y plonger que quelques extraits que chacun pourra interpréter comme il le souhaite :

> « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde »

> « Les faits n’appartiennent tous qu’au problème et non à sa solution »

> « La logique n’est pas une théorie mais une image réfléchie du monde »

> « La philosophie est une lutte contre la manière dont le langage ensorcelle notre intelligence »

On peut voir dans les idées de Wittgenstein une certaine philosophie qui se retrouve dans les approches orientées solutions. Une approche que je trouve particulièrement pertinente en coaching.

C’est à mon sens une invitation au non savoir qui est finalement assez difficile à acquérir.

Pourtant cela offre une certaine souplesse, une flexibilité et une adaptation qui peuvent être particulièrement épanouissante.

 

Être dans le non savoir tend vers l’humilité, l’apprentissage continu. Mais cela permet aussi de dépasser les frustrations en lien avec certaines exigences que l’on se fixe parfois.
Je veux parler ici du perfectionnisme notamment.

Car le savoir reste une utopie. 80% de l’activité humaine s’exerce à l’insu de la pensée consciente ( Koch, 2012 ) . Par ailleurs tout est en mouvement perpétuel. Notre environnement tout comme nos perceptions et la façon dont nous les interprétons.

On peut alors s’inspirer de cette idée de « changement évolutif » ( Nardone,Milanese, 2018 ) : « le changement permanent d’un système capable de modifier ses propres caractéristiques les moins essentielles tout en maintenant ses caractéristiques fondamentales ».

 

Et pour manœuvrer dans ce changement permanent je reste assez convaincu par l’importance de la connaissance de soi.

C’est un travail continu, progressif, adaptatif. Le coaching est aujourd’hui une approche extrêmement pertinente pour approfondir son identité.
L’approfondir en l’inscrivant dans ce mouvement perpétuel puisqu’il n’y a pas selon moi d’identité figée et immuable.

Cette recherche de soi ( que certaines théories/approches du développement personnel n’abordent pas de la meilleure façon en érigeant des pseudo principes généraux et donc … impersonnels ) se confronte généralement à des résistances au changement évolutif.

Résistances qui se retrouvent notamment dans cette tendance naturelle du cerveau à répéter systématiquement les processus qui nous ont permis d’atteindre certains résultats. C’est ce que Nardone évoque à travers les « psycho-pièges » ( 2013 ).

La pensée de Wittgenstein bien que parfois difficile d’accès reste pour moi une source d’inspiration.
A l’inverse de beaucoup de philosophes il n’a pas forcément cherché à apporter un certain savoir supplémentaire mais plutôt à éclaircir les problématiques et les raisonnements.

Lorsqu’il évoque des situations concrètes sa logique est imparable. Par exemple en faisant la distinction entre le « dire » et le « montrer ».

Qu’est ce que le vert ? Cela ne peut pas se dire, seulement se montrer… « Le monde est la totalité des faits, non des choses ».

Wittgenstein invite à écouter différemment et à tenter de comprendre avec discernement notre environnement. C’est là une voie pour dissoudre certains problèmes qui n’en sont pas toujours mais qui le deviennent parce que nous leurs donnons du sens.

 

Il termine ainsi le Tractatus : « Ce qu’on ne peut dire, il faut le taire »