Désirabilité, faux self et HPI
Ce biais signifie simplement que l’on peut avoir tendance à donner une image de soi meilleure que ce qu’elle peut être afin de se sentir mieux accepter.
La réponse socialement désirable est définie comme la « tendance à donner des auto-descriptions trop positives » (Paulhus, 2002 , p. 50) « afin de mettre en avant une image de soi plus socialement acceptable » (Haghighat, 2007 ).
Les profils Haut Potentiel peuvent être tout particulièrement sensibles à ce biais cognitif.
Lorsqu’il y a des difficultés à s’adapter à une « norme » il peut arriver de développer un faux self qui pourrait permettre de se présenter plus « positivement » ou , tout du moins, de façon plus adéquate à ce que l’on pense être la norme pour se faire accepter.
Tout cela s’écrit avec beaucoup de guillemets car tout dépend de ce que chacun va mettre derrière ces mots. Il s’agit de toute façon d’une construction d’une certaine réalité propre à chacun.
Naturellement ce biais est assez généralisé quelque soit son profil, que l’on soit Haut Potentiel, que l’on pense l’être ou encore que l’on ne le soit pas !
On peut par exemple se souvenir des entretiens d’embauches que l’on a pu avoir dans son parcours professionnel. Dans cette situation il n’est pas rare de vouloir pousser sa présentation de façon la plus optimiste possible et le biais de désirabilité sociale n’est jamais très loin !
> Autoduperie et hétéroduperie
Si l’on creuse un peu il est possible de différencier les choses avec l’autoduperie et l’hétéroduperie.
La première consiste à se plaire à soi et la seconde à plaire à autrui.
Il est bon de rappeler qu’un biais cognitif n’est pas forcement quelque chose qui doit être vu négativement.
C’est plutôt, à mon sens, une tentative d’explication de son fonctionnement cognitif à travers certaines situations. Il peut être intéressant simplement d’en avoir connaissance indépendamment de tout jugement de valeur.
Mais cela permet de s’interroger sur soi, sur les autres et sur ses rapports au monde. Parfois de sortir de certains schémas de répétitions ou tout simplement d’ouvrir vers d’autres façons de penser.
Tournois, Mesnil, et Kop (2000) estiment que l’autoduperie contribue à « l’adaptation et à l’équilibre psychologique général ». Autrement dit, celle-ci « conduit à la qualité de vie et au sentiment d’auto-efficacité via l’estime de soi.
L’hétéroduperie participe également à l’équilibre psychologique, mais différemment, en direction de la qualité de vie, l’association avec l’estime de soi conduisant au sentiment d’auto-efficacité».
Ainsi lorsque l’on a tendance à mettre en avant une image de soi plus « socialement acceptable » on cherche à plaire à autrui mais cherche-t-on aussi à se plaire à soi même ?
Cherche t-on d’abord à se plaire à soi avant de plaire aux autres ?
Au final comment se situer, ou plutôt se trouver ?
> L’ipséité en réponse ?
Être soi même permet il de réduire l’impact de ce biais ?
On observe assez souvent cette volonté d’être soi même. Mais qui d’autre pourrions nous être que nous même ?
Cette question a donné lieu à de nombreuses interprétations chez les philosophes notamment. Aristote, Montaigne, Rousseau, Heidegger … beaucoup se sont questionnés à ce sujet avec des théories diverses.
J’y reviendrai dans quelques temps sur un article consacré à l’ipséité.
Mais pour le moment qu’appelle t-on l’ipséité ?
Du latin » ipso « , désigne l’ensemble des paramètres spécifiques à une personne, une chose ou une notion. Désigne ainsi une personne selon ses références propres.
C’est le caractère fondamental de l’être, conscient d’être lui-même.
C’est ce que j’appelle être soi même en vérité.
Cette idée de vérité de soi me paraît être un chemin de liberté et d’épanouissement qui tend à s’affranchir d’une certaine « normalité ».
Chacun étant singulier où se situe donc la norme ?
Ce n’est pas un repli sur soi mais bien une existence conforme à ce que l’on est. Et cette recherche « d’être soi » n’est jamais vraiment aboutie. C’est un mouvement, une réflexion perpétuelle car nous sommes fondamentalement des êtres changeants.
Tout évolue autour de nous, nous évoluons nous même, de sorte que le but d’être totalement soi est à mon avis une sorte de philosophie de vie plus qu’un but à atteindre.
>Désirabilité, effet barnum, erreur d’attribution fondamentale et le haut potentiel
Si l’on parcours le domaine de la douance on peut parfois se demander si ce biais de désirabilité se cache là où l’on ne l’attend pas forcément.
Être aujourd’hui considéré comme HP c’est avoir passé un test psychologique qui l’a confirmé ou révélé.
On pourrait faire une distinction avec celles et ceux qui se pensent HP et qui le sont ( ou pas ) mais qui n’ont pas passé le test. Cela n’est en rien une critique, chacun fait comme il veut.
Mais sans test, qui reste à ce jour la seule mesure scientifique, il peut toujours subsister un doute. Et le doute ouvre, ou peut ouvrir grandement, les portes de la désirabilité sociale.
Comment ?
Avec notamment toute la littérature au sujet de la douance chacun peut se faire une idée de ce que cela représente pour lui même.
L’espace me semble d’autant plus vaste si l’on n’a pas été testé mais le fait d’être testé HP n’enlève pas les possibilités de se laisser aller vers une désirabilité qui pourrait fausser en quelque sorte l’expression de sa propre singularité.
Une présentation ( parmi d’autres ) du Haut Potentiel peut faire particulièrement écho en soi et peut conduire à une vision biaisée de sa propre situation.
L’envie de trouver des réponses sur son propre fonctionnement, de comprendre, de se retrouver et d’être accepté dans un groupe peut conduire à faire quelques raccourcis ou se prévaloir de certaines caractéristiques qui ne sont peut être pas vraiment vérifiées.
C’est d’autant plus problématique, à mon sens, lorsque l’on se croit HP et que l’on ne l’est pas car cela peut masquer ou tronquer certaines informations essentielles sur son propre fonctionnement.
Mais le fait d’être HP testé n’exclut pas non plus cette tendance à passer beaucoup de choses au travers d’une vision que l’on peut avoir du HP sans qu’il y est pour autant un lien clairement établi.
Par exemple l’hypersensibilité peut être liée au Haut Potentiel mais ce n’est ni systématique ni une généralité.
Et au delà qu’est ce que l’hypersensibilité ? Chacun donnera sa propre définition. Il n’y a pas vraiment de consensus sur le sujet.
Ai je une difficulté à gérer mes émotions parce que je suis HP et que je considère que les HP sont hypersensibles ? Ou bien plutôt parce que j’ai des difficultés en lien avec la confiance en soi ou encore la gestion du stress ?
N’y a t-il pas là parfois une désirabilité accrue, une volonté de se conformer à ce que l’on s’imagine comme étant la « norme » chez les HP ?
Cette littérature du HP est aujourd’hui foisonnante et les articles ( ou ouvrages, vidéos, podcasts, … ) de grandes qualités côtoient ceux qui peuvent être plus légers, parfois totalement faux ou tout du moins représentant une sensibilité parmi d’autres.
Une sensibilité qui, sans la nier, peut être minoritaire.
Plus simplement notre représentation même du haut potentiel peut être biaisée, alimentée par différentes théories, courants, modes de pensées en lien avec le HP.
Au delà du biais de désirabilité on peut y retrouver l’effet Barnum ( se reconnaître dans des descriptions vagues de la personnalité ) ou encore l’erreur d’attribution fondamentale ( expliquer les actions d’une personne en fonction de ses caractéristiques personnelles en omettant l’influence possible de la situation ).
Comme il est difficile voire impossible de proposer une approche du haut potentiel de façon globale il peut être intéressant d’aller chercher plutôt en soi ce qui fait sa propre singularité en dehors de toute considération théorique.
Et c’est d’autant plus valable que l’on soit HP ou pas. Le Haut Potentiel étant une caractéristique parmi d’autres de sa personnalité.
C’est là en tout cas que peut commencer une réflexion plus profonde sur soi même et son rapport aux autres en étant, un petit peu, éloigné de certains biais …
Sources et pour aller plus loin :