L’objectif est souvent au centre du travail que l’on peut faire en tant que coach avec son client.
La personne que l’on accompagne peut avoir une difficulté sans encore d’objectif précis. Il pourra alors être nécessaire de l’aider à éclaircir sa situation et de commencer à tracer une trajectoire qui l’amènera d’un espace problème vers un espace de solutions.
On peut tout aussi bien avoir une personne avec un objectif très précis en tête. Pour autant si elle sollicite un coaching c’est bien qu’il y a quelque chose encore à démêler.
L’objectif est il bien posé ? Est ce vraiment le bon ? Quel est le véritable objectif de cet objectif ? Qu’est ce qui l’empêche d’y parvenir ? Qu’est ce qui a déjà été tenté ?
Entre ces deux situations toutes les nuances sont possibles.
L’objectif ( ou les objectifs ) va permettre d’avancer dans la direction que souhaite le client.
On peut alors se demander si une fois posé la finalité est tout simplement de l’atteindre au regard des efforts parfois nécessaires pour arriver justement à l’identifier.
Pour ma part je n’ai pas vraiment de réponse catégorique.
L’objectif est un but. Si on l’atteint et que l’on est satisfait de cette réussite alors c’est parfait. Et lorsque je dis « on » je devrai plutôt préciser le client. Car la question n’est pas tant de se demander si l’objectif doit être atteint. Car il peut l’être. Mais c’est une possibilité dont la responsabilité et l’autonomie pour y parvenir revient au client.
Mais il est important de garder une certaine souplesse dans son cheminement et d’amener cette souplesse au cours des séances. Tout simplement parce qu’en avançant vers l’objectif on va progresser pas à pas. Que ce soit au niveau cognitif comme au niveau comportemental ou émotionnel. Et que chaque petit pas va faire évoluer les paramètres.
Peut être qu’en avançant l’objectif va être moins important que prévu. Peut être qu’il va devoir être modifié. Peut être que de nouveaux obstacles vont surgir. Peut être qu’un nouvel objectif va voir le jour encore plus motivant que le précèdent.
Je ne peux pas m’empêcher de citer Edgar Morin grand penseur de la complexité :
« Dès qu’un individu entreprend une action, quelle qu’elle soit, celle-ci commence à échapper à ses intentions. Cette action entre dans un univers d’interactions et c’est finalement l’environnement qui s’en saisit dans un sens qui peut devenir contraire à l’intention initiale ».
Dès lors si l’on a une vision trop rigide de son objectif on peut se fermer à ces interactions pourtant sources d’apprentissages et potentiellement d’ajustements.
Imaginons également que l’objectif n’est pas atteint … Est ce pour autant un échec ?
Les causes peuvent être multiples mais elles seront toujours sources d’apprentissages si on les regarde via une approche orientée solutions. Car si le but n’est pas totalement atteint il est fort probable que certaines choses se soient bien passées.
Et sur ces apprentissages il sera possible de bâtir une nouvelle direction.
Plutôt que d’avoir un objectif fixe et très rigide il est donc important de toujours l’insérer dans un contexte qui change en permanence.
En effet, si nous avons un but très précis, je dirai presque inamovible, cette rigidité peut elle même devenir un obstacle à sa réussite.
Et cela est à mon sens valable pour un objectif à atteindre comme pour un problème à surmonter
En tant que coach c’est l’accompagnement dans l’instant présent qui est fondamental. On va définir des objectifs, les clarifier, les rendre mesurables mais il est tout aussi important de ne pas induire une pression sur l’atteinte future de ceux-ci.
Par une sorte d’indifférence à l’atteinte d’un but on transmet la souplesse qu’il me semble importante d’avoir.
L’indifférence sur le résultat n’est donc pas une indifférence à la personne. Bien au contraire.
C’est donner un espace de liberté, un espace d’ouverture. C’est aussi rester dans une position basse en tant que coach. Le résultat est entre les mains du client. Mais aussi intégré dans un environnement en perpétuel changement qui est singulier et différent à chaque fois.
Ce qui compte c’est arriver à s’insérer dans ce mouvement perpétuel et garder cette ouverture … et cela est souvent favorisé par un certain lâcher-prise sur le résultat .
En bref moins on se focalise sur un résultat et plus on a de chance de l’atteindre. La rigidité est un obstacle à la réception de ce qui survient et qui potentiellement modifie la stratégie pour parvenir à son but …
Bien sûr tout cela s’inscrit aussi dans une certaine forme de philosophie qui dépasse peut être le cadre du coaching mais qui, en tout cas, inspire ma propre façon de coacher.
Il ne s’agit pas de dire qu’une façon est meilleure qu’une autre non plus. Encore moins que de dire que fixer des objectifs précis n’est pas important.
Mais lorsqu’un client prend des décisions pour sa vie de façon très rationnelle en se basant sur une situation très claire et sur l’idée qu’il est également lui-même fixé dans un état émotionnel permanent dans un environnement sans mouvement …n’y a t il pas là un « risque » de se couper des évolutions réelles à tous les niveaux ?
En établissant un plan immuable on peut aussi se couper de sa propre évolution personnelle.
S’entraîner à avoir un esprit ouvert permet de mieux prendre en compte les complexités et les changements. Cela peut se faire en se fixant des objectifs précis.
Mais c’est avant tout une façon de les travailler dans la durée.
A la formule « Je peux devenir ce que je veux » je lui préfère « Je ne sais pas encore ce que je peux devenir ».
Si l’on souhaite approfondir ces notions on peut se tourner par exemple vers Lao-tseu le penseur chinois qui aurait écrit le Tao-tô-king.
Le Tao étant la Voie, le cours des choses formant un grand tout où chaque élément est interdépendant et relié.
Ainsi la Voie peut tout aussi bien être modifiée par chacun si tant est que l’on rentre en harmonie avec elle et non en résistance.
C’est par notre décision de varier nos points de vues que l’on peut accroître notre rapport à la vie.
Tout comme un objectif qui peut être à la base inexistant en apparence puis imprécis et s’affiner progressivement pour en devenir concret, réaliste, mesurable. Et potentiellement toujours évolutif.
La créativité et de manière générale, les nouvelles solutions, ressources ou options ne peuvent qu’émerger qu’en sortant d’un cadre qui serait trop prévisible.
Je cite ici Alain Cardon dans « L’art véritable du Maître coach » :
« […] plutôt que de pousser le client à procéder avec méthode […] le coach systémique cherche plutôt la confusion. Il facilitera, voire provoquera, la fluidité circulatoire et simultanée entre tous les thèmes, tous les sujets et tous les enjeux d’un même client. »
Circularité, fluidité, confusion … Tout cela ne s’oppose pas à des objectifs précis mais viennent apporter un état d’esprit créateur et adaptatif aux changements permanents.
En bref oui l’objectif peut être atteint.
Mais bien souvent c’est le chemin qui y mène qui est le plus révélateur de ce qui est important pour chacun. Singularité dans un grand tout, environnement changeant qui me créé mais que je peux aussi créer par la simple raison que je fais partie du tout et le modifie sans cesse.
Le but trace une direction qui elle même modifiera potentiellement ce but pour le rendre encore plus en adéquation avec la réalité de chaque instant.
A chacun de percevoir les changements qui lui semblent nécessaires d’envisager.
Perceptions et ajustements qui peuvent faire l’objet de séances de coaching passionnantes où chaque instant ne ressemble à aucun autre.