Le « non savoir » me paraît être une compétence essentielle du coach.
C’est en tout cas un point que j’ai moi même longuement travaillé et qui ne sera jamais vraiment achevé.
Il pourrait paraître curieux, en tant qu’éventuel client d’un coaching, d’être accompagné par un coach qui revendique son non savoir …
Mais cette expression nécessite d’abord d’être précisée.
Car en effet … De quoi parle t on ?
Le non savoir n’est pas l’ignorance. C’est une façon d’être. Un coach formé et certifié a une expertise dans la mise en pratique de son accompagnement. Il pose un cadre, apporte des moyens pour favoriser l’émergence de solutions de son client. Il utilise le questionnement , des « outils » , une approche spécifique.
Mais sur ce que chaque personne va amener en séance, sur les solutions ou encore les objectifs à atteindre ne pas savoir permet de laisser place à celui ou celle qui saura c’est à dire … le client !
Si je ne sais pas …qu’est ce que cela rend possible de faire :
> Écouter :
Si je ne sais pas je déploie alors une intention renforcée au service d’une écoute authentique, sincère, bienveillante et sans jugement.
Écouter l’autre en passant sa vision des choses au travers de ses propres filtres de compréhension ( valeurs, croyances , … ) peut venir « polluer » la conversation.
Est ce à dire que cela n’arrive jamais ? Je ne pense pas !
Il est impossible d’adopter une écoute totalement neutre et dans un sens tant mieux.
Mais être conscient le plus possible de ses propres croyances ou limites permet déjà de tendre au maximum vers une écoute de qualité.
Et la supervision permettra bien sûr d’affiner, préciser , approfondir sa propre conscience de soi dans sa pratique de coach.
> Comportement non verbal
Si je ne sais pas je suis encore plus naturellement attentif à tous les détails. Et si les mots sont importants l’attitude l’est tout autant.
Que ce soit une émotion, une pensée, une contradiction … Le non verbal exprime les choses bien souvent plus que les mots eux-mêmes.
Il y a dans le non verbal une authenticité qui m’a toujours interpellée. Rousseau estimait que le « véritable soi » réside dans la spontanéité. Et quoi de plus spontané qu’un comportement non verbal ?
> Reformuler :
Si je ne sais pas je développe une réelle curiosité pour l’autre. Je m’assure aussi de bien le comprendre.
La reformulation permet de « valider » que l’on avance dans le même sens. Elle permet aussi de centrer les idées, de marquer une pause, d’approfondir.
> Questions ouvertes :
Si je ne sais pas je n’induis rien. Si je n’induis rien j’utilise au maximum des questions ouvertes avec le moins de mots possibles. Plus la question est ouverte et plus le client entrevoit un espace d’expression le plus libre possible.
Moins je sais moins j’interprète.
Moins j’interprète et plus je laisse de place à l’autre.
> Utilisation du silence :
Si je ne sais pas je prend encore plus le temps de laisser les silences s’intégrer naturellement dans la conversation.
Le silence est créateur. C’est à mon sens un bon compagnon du non savoir. Il ouvre vers la réflexion, l’intériorisation, la créativité.
Un élément clef du coaching.
> Se dévoiler / partager ses doutes
Si je ne sais pas je n’hésite pas à le dire … Il est parfois important de rappeler que le coach ne sait pas quelle est la bonne solution. En faisant cela on redonne la main à son client. Car en parallèle se joue les notions d’autonomie et de responsabilité de celui-ci.
Par ailleurs partager son interrogation ou ses doutes permet de renforcer l’alliance avec la personne que l’on accompagne. Le coach est en posture basse et offre un cadre de développement pour son client. Et cela reste une co-construction, une collaboration vertueuse génératrice de solutions.
Si je demande « Pour m’aider à comprendre votre situation pourriez vous m’en dire plus ? » je continue à aller vers ce qui est le plus important pour l’autre sans interférer dans son raisonnement.
>Complimenter
Si je ne sais pas mon client lui … il sait. Peut être qu’il ne sait pas encore qu’il sait.
Alors je le complimente avec sincérité pour ce qu’il a déjà fait mais aussi pour tout ce qu’il met en place dans une situation de changement. Et ce quelque soit les résultats.
Il n’y a pas de petites victoires. Il y a des réussites.
Il n’y a pas de défaite. Il y a des apprentissages.
> Focus sur ce qui est important pour le client au moment présent :
Si je ne sais pas je n’essaie pas de valider ma théorie ou ma solution sur le thème abordé. Car si j’ai la conviction de connaître ce qui est le mieux pour mon client, même dans une « bonne » intention, rien n’indique que mon avis soit le bon dans l’environnement où évolue mon client.
C’est à la personne d’exprimer l’importance de tel ou tel sujet, en quoi c’est important pour elle et non au coach de l’orienter vers ce qu’il pense lui comme étant important.
Et tant bien même que le coach puisse avoir « raison » … Est ce le bon moment pour le client de faire sienne la sois disant explication ou solution du coach ? C’est dans l’ici et maintenant de la personne que l’on accompagne que les choses se jouent.
Le non savoir et son côté obscur ….
Le « non savoir » au delà du coaching est presque une philosophie de vie.
Peut être simple en apparence c’est en tout cas pour moi une compétence difficile à acquérir. Cela va à l’encontre de la tendance naturelle de notre cerveau à vouloir comprendre, trouver du sens, faire des liens. Voir anticiper.
Ne pas savoir peut d’ailleurs être source d’inquiétude voir de stress. C’est un travail exigent, quotidien. C’est une forme aussi de lâcher prise.
Dans un sens c’est une démarche presque … utopique.
Car si j’estime en fin de compte que je sais que je ne sais pas … suis-je toujours dans une posture de non savoir ?
Il doit en tout cas être utilisé avec l’intention d’aider son client sans limiter non plus son intuition tout au long de l’accompagnement.
Car qu’est ce que l’intuition si ce n’est la croyance invérifiable au moment où elle émerge dans quelque chose ?
Intuition et non savoir peuvent bien sûr cohabiter mais là encore c’est un exercice délicat fait d’équilibre et de précaution.
Et si l’intuition parvient à être guidée par le non savoir elle trouve alors selon moi un élan très intéressant dans la construction d’un coaching.
Enfin le non savoir n’est il pas au final … un véritable savoir à acquérir ?
Tel un outil à manier son usage s’affine progressivement au fil du temps mais nécessite régulièrement de nouveaux ajustements.
Il est en tout cas un point de convergence pour un coaching tel que je le conçois.
Épuré, libre, ouvert, ressourçant, respectueux de la singularité de chacun.