Et si l’objectif était une flèche ?

22 avril 2022
coaching

L’objectif en coaching occupe une place essentielle. C’est la base de l’engagement, du sens que l’on va donner à l’accompagnement.
Tout en sachant que celui-ci peut évoluer en fonction des besoins du client.

Généralement l’objectif principal du coaching devra être « SMART » à savoir spécifique, mesurable, réaliste et temporel. A cela s’ajoute un critère écologique. Il devra être positif, bénéfique pour la personne et son entourage. D’autres critères peuvent s’y ajouter pour permettre une progression concrète vers la réalisation de celui-ci.

L’objectif engage le mouvement. Celui de la réflexion et de l’action. Il ouvre vers des prises de consciences, des pistes, des solutions, des transformations.

Et si l’atteinte du résultat est primordiale ( mais reste de la responsabilité du client ) ce mouvement de transformation n’en est pas moins fondamental.

Ainsi entre action et but il y a matière à s’interroger.

En prenant la symbolique d’un archer qui vise et lance sa flèche on peut y voir plusieurs façons d’envisager la situation avec l’éclairage de la philosophie.
Un éclairage forcément personnel et limité mais qui peut éventuellement s’interroger sur la notion même d’objectif.

 

> Telos et Skopos : action et but chez les Stoïciens

Le « telos » signifie la finalité d’une action et le « skopos » son but. La distinction faite par les Stoïciens est extrêmement intéressante.

Si la finalité d’un archer est bien d’atteindre la cible qu’il vise il sait aussi que certains événements sur lesquels il n’a pas de contrôle peuvent faire dévier sa flèche même si au départ il a réalisé le tir en apparence parfait.

Un vent soudain par exemple peut faire dévier sa flèche.

Ainsi la distinction est faite entre l’action et le but. L’archer peut avoir raté sa cible par l’effet d’un événement extérieur incontrôlable alors que son action peut être parfaite.

L’action trouve sa finalité dans le telos et non dans le skopos, le but. L’importance est donc orientée vers l’intention. C’est là que réside la réussite. Pour les stoïciens tous les efforts doivent être concentrés dans la bonne réalisation de son action.

Cette approche permet en tout cas de se libérer du poids, parfois excessif et contre productif, de l’atteinte parfaite de l’objectif. Le but reste vers quoi il faut tendre. Mais en cas d’échec si l’on a réalisé une action parfaite, en accord avec ses capacités, alors son engagement reste une réussite.

Le reste, ce qui n’est pas de notre contrôle, fait partie de l’aléa.

 

> La flèche chez Montaigne : le naturel d’abord

Par une anecdote Montaigne opère lui une distinction entre l’action naturelle et celle contrainte.

Il relate en effet l’histoire d’un condamné à mort, excellent archer, a qui l’on propose d’avoir la vie sauve si d’une flèche il atteint la cible qu’on lui propose.

Le condamné refuse craignant que la pression soit trop forte pour qu’il puisse réaliser le tir parfait. En ratant sa cible il n’aura pas la vie sauve mais en plus il entachera à jamais sa réputation d’excellent archer…

Ainsi dans cette approche on pourrait estimer que plus on se focalise sur ce que l’on pense maîtriser et plus on affaibli son action. Montaigne insiste sur le naturel dans l’intention d’agir.

En préservant son naturel on garde ainsi un certain contrôle sur soi. En étant contraint on perd de sa spontanéité et donc de son efficacité.

L’obstacle pourrait être alors le trop grand contrôle auquel on se soumet et qui, par un effet contre nature, viendrait affaiblir ses capacités … naturelles.

Bien que la situation puisse paraître un peu inconcevable ( on pourrait se dire qu’étant condamné il serait préférable de tenter le tout pour le tout … ), en prenant un peu de hauteur j’y vois pour ma part l’importance d’agir selon sa nature et ses valeurs.

N’oublions pas que Montaigne a vécu au XVIème siècle et que les valeurs en vogue à la Renaissance étaient un peu différentes de celles d’aujourd’hui.

Mais derrière cette métaphore on peut y trouver aussi cette notion de liberté qui lui est chère, celle d’agir selon ses propres intentions, et que l’on trouve dans cette citation issue des Essais :

« Mon opinion est qu’il faut se prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-même. »

En coaching ?

A chacun d’y voir ce qu’il souhaite y voir. En coaching la « vérité » est avant tout celle du client.

Mais pour revenir à ces deux approches elles ne sont pas centrées sur la même chose bien qu’elles s’inscrivent dans le même mouvement, celui de l’action.

Le stoïcisme apporte un éclairage sur ce qui dépend de nous et sur ce qui ne l’est pas. Ce qui est important c’est l’intention, l’effort, la construction.

Le but est en partie soumis à des aléas qui ne sont pas toujours contrôlables et prévisibles.

La perfection peut être recherchée dans ce mouvement qui tend vers l’objectif. Visons juste avec contrôle, réflexion. Visons la bonne cible. Mais n’oublions pas que l’aléa peut faire partie du « jeu » (  » Je  » ? ).

Le fait de l’inclure dans sa réflexion reste tout de même essentiel.

Il est important de préciser qu’en coaching définir un objectif « SMART » vise aussi à minimiser l’impact de l’aléa. Si l’atteinte de celui-ci ne dépend pas que de soi alors il est peut être préférable de le reconsidérer.

On pourrait élargir encore la réflexion en allant chercher du côté d’Edgar Morin et ses enseignements sur la complexité et l’aléa.

 

Du côté de Montaigne c’est plutôt l’action naturelle qui est recherchée. C’est à mon sens une approche plus centrée sur le sujet en lui même et un peu moins sur l’action. Mais ces deux notions ne sont pas à opposer. On peut d’ailleurs être en accord avec l’une et pas l’autre voir … aucune !

Ou encore les percevoir différemment.

Mais pour en revenir à cette notion de contrôle on pourra la compléter par cette citation tirée des « Essais» :

Les hommes sont tourmentés par les opinions qu’ils ont des choses, non par les choses mêmes.”

L’archer dans l’exemple fait lui même une interprétation de la situation qu’il juge défavorable pour lui même. On pourrait se dire dans une première approche empreinte de bon sens que si il est condamné à mort autant qu’il tente sa chance … Si il rate ça ne pourra pas être pire !

Mais c’est sans compter l’honneur et la réputation qui pourraient s’en trouver entachées. Là encore une construction intellectuelle propre à cet archer. Construction parfaitement respectable mais …qui dit que les gens se souviendraient plus de son dernier tir raté que de ses exploits nombreux passés ? De même rien ne prédit son échec si ce n’est lui même…

En bref …

Il ne s’agit que de quelques réflexions car le sujet est bien vaste.

Mais si aujourd’hui vous étiez l’archer, quelle serait votre cible ? Qu’est ce qui fait que vous n’avez pas encore envoyé votre flèche ?

Et puis au fond … qu’est ce qui vous fait dire que c’est la bonne cible ? 😉

 

Envie d’éclaircir votre situation ? N’hésitez pas à me contacter